Il
avait beaucoup changé depuis qu’il avait été trahi. Lui, le saltimbanque d’un
monde qu’il aimait piétiner de ses pas musicaux, le troubadour amoureux qui
rêvait les couleurs sur les murs gris des villes. Il avait beaucoup pleuré
aussi. Tout au début. Des larmes fragiles qui lui avaient laissées sur les
lèvres les tempêtes salées des océans trop lointains, de ceux qu’il noyait le
soir dans le profond de ses yeux. Il avait même pensé mourir une fois, mais la
mort n’était pas mère nourricière et aujourd’hui, bien plus que jamais, il
était affamé.
Il
avait beaucoup changé. La souffrance qui s’était emportée jusqu’au cœur même de
ses entrailles, s’était peu à peu figée dans la glace, ne laissant à son âme qu’une
intense et amère froideur. Lui, le poète baladin qui savait pourtant réchauffer
les sourires les plus tristes, ceux qui pensaient mourir dans les cœurs gelées.
Mais
il avait été trahi. Et depuis ce jour-là, il ne comprenait plus le monde, n’en
avait plus envie. Il s’était pensé indéracinable et il était à présent, gisant
comme un arbre mort au milieu d’une forêt de mensonges. Un tronc se vidant peu
à peu de sa sève de vie, mais qui, goutte après goutte, nourrira de sa haine
les terres alentours. Celles-là même, qui l’avait vidé de sa confiance, alors
qu’il y croyait encore.
Le
bohème n’était plus, il avait laissé le vent lui murmurer « vengeance »
et ne voulait plus entendre les cris de sa raison. Il avait quitté son chemin
de vie où étaient enterrées aujourd’hui ses plus grandes valeurs et vagabondait
à présent, seul, sur la grande route des revanches. Et à chacun de ses pas, lourds
de mépris, une fleur mourait, ne laissant derrière elle qu’un parterre de
croix.
Retourne-toi
polichinelle de rue et vois le carnage désolant que ta haine a semé. Retourne-toi
et lèves les yeux au ciel. Là-haut, les étoiles pleurent, celles que tu
écoutais chanter et qui berçaient ton cœur les soirs de quiétude. Regarde-les
et sèches leurs larmes avant qu’il ne soit trop tard.
¤ Cat ¤ 22/11/2017