Petit chat joueur de mots, je pelote mes poésies de caresses câlines et je griffe parfois pour défendre les maux. J'écris le "je", le "nous", le "vous" et je ronronne souvent sous l'effleure de ma plume. J'invente, je tente... Juste pour le plaisir.

Fines moustaches et libres pensées... Je guette la rime et vous partage mon petit coup de patte.

Je ne suis pas un écrivain... Je suis le chat "couseur de mots" et vous êtes... mes petites souris inspiratrices.

jeudi 8 septembre 2016

Lettre à ma fille

Mon enfant, mon amour, ma fille,

J’ai trouvé l’oiseau mort sur le bord de sa cage, les yeux encore ouverts sur un monde endormi. A son côté, la plume jolie, arrachée brutalement par l’entrave de ses chaînes. J’ai posé l’oiseau mort sur un nuage de coton et je l’ai enterré, comme on enterre son passé… Sans vraiment se retourner. Mais j’ai gardé la plume, que je trempe aujourd’hui dans mon sang pour t’écrire ces mots. Quelques lignes de vie que tu liras peut-être du fond de tes silences.

Dans l’obscur de mes nuits, je me souviens de ton sourire et les abysses de ma mémoire respirent encore le parfum de ta peau…

Le souvenir… Arc-en-ciel fabuleux dont personne ne saurait en atteindre son trésor ni même l’en dépouiller.

Je ne te demande pas de me pardonner  - l’acte d’abandon est impardonnable - mais ces mots, écrits dans l’interdit de notre enfer, ne sont que des milliers de « je t’aime » chuchotés au vent comme la caresse délicate des ailes du papillon sur la fleur printanière.

Mon amour, ma fille, je n’ai pas su nous protéger des folies dévastatrices qui germaient dans le cerveau de ces hommes, avides d’un pouvoir qu’ils n’ont jamais su maîtriser. Je n’ai pas su, parce que je n’ai pas cru l’homme capable de s’injecter autant de haine et de mépris dans le fond de son crâne endoctriné par sa propre bêtise. Je n’ai pas su, mais j’aurais dû savoir qu’il est dans la nature de l’Homme de piétiner la Rose.

L’oiseau est mort… Et avec lui notre liberté. J’ai laissé ma peur le crucifier sur la croix du mensonge, le clou de l’égalité planté dans son aile droite et celui de la fraternité dans celle gauche. Je l’ai regardé mourir, tout simplement, alors que j’aurais dû crier ma révolte pour continuer de le lire libre dans un ciel azuré.

… Et maintenant, j’ai froid.

J’ai laissé mon pays assassiné le nom de « Femme ». Je l’ai laissé nous enterrer dans ces vieux préjugés que l’on pensait d’un autre temps, et ce sont mes silences qui ont creusé ma propre tombe, comme ils ont creusé la tienne et celles de milliers d’autres femmes.

Ces femmes que j’ai trahies.

Celles qui sont la mémoire de l’histoire de notre pays. Celles qui se sont révoltées pour le droit de vote, le droit à l’égalité, le droit de…

Celles qui ont combattu aux côtés des hommes pour que la France reste la France et ne chute pas dans le gouffre du nazisme.

Celles aussi, qui se sont sacrifiées dans d’autres lieux pour le droit au respect, pour celui d’exister en tant qu’être humain, pour celui d’être femme, tout simplement.

Pourtant, je n’en veux pas à mon pays. Je reste coupable de mes silences. J’aurais dû savoir qu’accepter certaines exigences au nom d’une hypocrite fraternité, n’était pas  tendre une main solidaire à ces femmes mais plutôt offrir aux hommes l’épée qui nous trancherait notre propre liberté. J’aurais dû comprendre qu’en voulant les rendre plus libres, je nous enfermais avec elles, dans leur monde de domination.

… Et glissent sur ma peau, les larmes de mes « sœurs » torturées, lapidées, égorgées au nom d’un barbare qu’ils appellent dieu. Les larmes de mes sœurs qui m’écorchent l’âme comme les épines du roncier sur l’oiseau prisonnier.

Elle était pourtant belle ma France avant qu’elle ne se cache derrière le voile de la soumission. Elle était belle…

Mon enfant, je garde le souvenir de ta peau si douce quand je t’ai serrée dans mes bras pour la première fois le jour où tu es née. Le souvenir de tes beaux yeux marron qui n’ont rien à envier aux regards bleutés. Souvenirs de tes genoux écorchés que je guérissais d’un tendre baiser. Souvenir de tes rires, de tes sourires et de tes larmes.

Souvenirs. Et toi ma fille ? Quels seront tes souvenirs ?

Je t’ai lâchement abandonné dans un monde de désolation où règnent la violence et la haine. Un monde où l’on ne sait plus rêver.

Un monde sans oiseaux.

Je voudrais tellement te savoir libre, mais la liberté a-t-elle réellement existé ou n’était-elle qu’un leurre inventé par les hommes pour nourrir l’espoir ?

L’espoir.

Surtout ne le perds pas, comme tu ne dois jamais effacer de ton visage, cet éclat sur tes lèvres si belles. Je n’ai pas su te sauver des hommes mais je resterais là, près de toi, jusqu’à mon dernier souffle, pour veiller tes sourires.

Ma fille, mon ange.

Ces mots, comme l’empreinte de ma défaite face à la vie, face à TA vie.

Des mots d’amour aussi. Parce qu’aucun dieu, aucun homme, aucune torture ni aucune loi ne saura détruire l’amour que je te porte.

La plume est sur mon cœur pour ne pas oublier.

Au fond de mon jardin, j’ai planté un rosier que j’arrose de mes larmes. Juste en dessous… L’oiseau est toujours endormi.

Je t’aime.

Maman


¤ Cat ¤ 08/09/2016

4 commentaires:

  1. Dieu quelle est belle et douloureuse cette lettre... puisse-t-elle arriver à destination :)

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    1. Merci Laurent... Il me tenait à coeur d'écrire ces mots... Pour toutes les femmes, les mamans, les soeurs...

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  2. Encore une fois tu fais tres fort mon amie.

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