Elle voulait l’aimer encore,
mais la Mort l’avait trop vite rattrapé. A moins que ce ne soit-elle qui
s’était laissé dépasser, lasse de courir sur ces chemins chimériques que la
Lune, elle-même, n’éclairait plus dans ses rêves. Lasse de courir au bord du
précipice qui vous « écho » sans cesse de vous laisser tomber. Lasse
de courir… Courir au rythme d’un métronome cassé, courir après le temps qui ne
vous accorde pas une seconde. Courir à s’en brûler les poumons et se cracher en
mille tessons d’étoiles dans un ciel trop gris. Courir pour être la première.
La première à mourir. Et pourtant, elle aurait tant voulu l’aimer encore. Mais
l’amour s’était essoufflé de la voir courir trop vite. Il était resté seul sur
le bord de son cœur sans issue à tourner en rond, comme un fou dans sa cage d’illusions.
D’illusions troublées par ces vérités mensongères qui suintaient des gueules
trop bien costumées.
Elle aurait voulu l’aimer
encore, lui, qui faisait les cent pas devant la porte de son piteux état. Elle aurait
voulu se retourner et courir dans l’autre sens. Le sens interdit. Celui que
personne n’osait vraiment frôler. Elle aurait voulu se retourner… Mais elle s’était
laissé dépasser et c’était les pieds en sang, qu’elle avait atteint ce point de
non-retour. Sans pouvoir l’aimer encore.
Du haut de sa falaise, elle
regardait les autres courir. Courir après le temps, courir dans le vide, courir
pour mourir. Jamais à contre-sens. Et l’Océan, de continuer de vivre dans l’œil
du perdant qui mâchait ses sourires sur la ligne d’un départ qu’il ne voulait
plus prendre. Et l’Océan, qui coulait ses vagues salées sur son corps fatigué d’avoir
couru bien trop longtemps. Son corps vieillit de ces années perdues à toujours
vouloir aller plus vite. Le corps violé des tragédies d’un monde réel qu’elle
avait pensé oublier dans cette course contre la montre.
Elle ne pourrait donc plus
jamais l’aimer comme elle ne pourrait plus jamais lui dire qu’elle l’avait
vraiment aimé… Avant… Avant qu’elle ne commence à courir. A courir pour rien.
Pourtant… Pourtant, elle
espérait qu’il avait entendu sa prière. Une prière chuchotée dans le vent, entre
deux inspirations, entre deux expirations, au moment même où elle avait décidé
de se laisser dépasser. Un point de côté pour lui rappeler qu’elle devait s’arrêter
pour l’aimer encore avant qu’il ne soit trop tard. Bien qu’il fût déjà trop
tard. Une prière murmurée dans le triste chant d’un électrocardiogramme qui
jouait sa toute dernière note. Tragique.
C’est parce qu’elle voulait
l’aimer encore, qu’elle espérait ses poussières soufflées sur les routes de son
cœur. Ces routes-là, sur lesquelles elle n’aurait plus jamais à courir.
¤ Cat ¤ 11/02/2017