Petit chat joueur de mots, je pelote mes poésies de caresses câlines et je griffe parfois pour défendre les maux. J'écris le "je", le "nous", le "vous" et je ronronne souvent sous l'effleure de ma plume. J'invente, je tente... Juste pour le plaisir.

Fines moustaches et libres pensées... Je guette la rime et vous partage mon petit coup de patte.

Je ne suis pas un écrivain... Je suis le chat "couseur de mots" et vous êtes... mes petites souris inspiratrices.

jeudi 28 avril 2016

Lettre d'un suicidé

J’ai les deux pieds dans le vide. Ils se balancent dans le vent frôlant l’envie d’aller s’embrasser sur les rochers. D’ordinaire, j’ai le vertige. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, je me sens étrangement bien. Peut-être parce que je sais que c’est bientôt la fin.
Ma dépression, en fidèle amie, me tient la main. Elle ne la lâchera que lorsque mon sang aura repeint le lit de la falaise.
Je ne veux pas imaginer mes os brisés, ni mon corps écrasé. C’est un spectacle que je laisse, comme l’empreinte d’une vie torturée, à celui ou à celle qui aura la malchance de me trouver. Une pensée pernicieuse que j’assume totalement, parce que je me fiche des dégâts que la vue de mon corps broyé pourrait causer à celui qui croisera ma mort. Au mieux, il s’en sortira avec une dizaine de séances chez le psy et sa vie continuera de couler comme la rivière glisse ses eaux tranquilles. Au pire, il ne s’en remettra jamais vraiment et prendra alors peut-être conscience que, même sa propre existence se moque de lui, en lui jouant ses pas sur le chemin pathétique d’un non moins sarcastique : au mauvais endroit, au mauvais moment.
Mais peut-être aussi que jamais personne ne me trouvera. C’est une possibilité qui ne m’effraie pas. J’ai toujours fait partie de ces oubliés qu’on croise, mais qu’on ne regarde pas. Pourquoi ma mort serait-elle différente ?  
Je rêve les champs de marguerites de mon village natal. Je rêve leurs pétales comme un dernier linceul.
J’ai beaucoup de mal à écrire ces mots du haut de cet à-pic. Le vent s’amuse à déchirer ma feuille de ses bourrasques soudaines et je dois la froisser entre mes mains si je ne veux pas qu’elle s’envole déjà dans la gueule profonde de la mer déchaînée. Bien que ce soit là sa destinée. Parce que ces mots, personne ne les lira, je ne les écrits que pour moi-même. Je ressens ce besoin d’écrire parce que toute ma vie, j’ai écrit. J’ai écrit mes souffrances, mes peurs, mes solitudes. J’ai écrit mes joies et mes sourires, parce que la vie, c’est ça aussi, quelques bouts de bonheur qu’on rencontre de temps en temps sur nos chemins abîmés. Hier encore, mon petit studio au huitième étage d’un immeuble construit à grand coup de béton sans charme, dégueulait de mes textes et de mes mille poésies qu’il me plaisait de coucher sur le papier à mes heures perdues. Hier encore, parce que ce matin, dans le terrain vague en face de chez-moi, j’ai jeté mes centaines de cahiers dans un vieux tonneau en ferraille avant de les brûler comme se brûlaient, jadis, les morts pour délivrer leurs âmes. Je ne veux pas laisser d’empreintes dans un monde étriqué et indifférent aux autres, je veux juste m’en aller seul, comme je l’ai toujours été.
J’ai les deux pieds dans le vide. Devant moi s’étend l’océan dans toute son immensité. Il semble en colère. Il rugit ses vagues qu’il écrase contre les rochers avec une rage qu’on ne connaît que chez ces hommes qui jouent de la violence comme on nourrit sa faim. Je l’écoute me crier sa fureur et j’ai soudain si froid de ce que j’entends que je me bouche les oreilles pour m’assourdir de cette algarade tempétueuse. Je n’ai pas besoin de ça pour aller mal. Ne suis-je pas déjà au bord du précipice ?
Ces mots ne sont en réalité qu’une farce. Un truc pour ralentir le temps et pour m’obliger à réfléchir à tout ça. Peut-être aussi à me trouver une excuse pour ne pas sauter… Ou pour sauter plus vite. Qu’est-ce que c’est con !
J’aimerais être un oiseau pour m’envoler haut, très haut dans le ciel et jouer à saute-mouton avec les nuages. J’aimerais lire le soleil et planer sur le mot « liberté ». Putain que j’aimerais déféquer sur le monde avant de m’arracher les plumes et d’écrire le mot fin avec l’encre de mon sang.
Le froid me pique les yeux. A moins que ce ne soit ces foutues larmes qui m’agressent à nouveau. Je croyais pourtant les avoir vaincues le jour où j’ai compris que rien ne changerait. Je les pensais taries, dévorées par les sécheresses de mon cœur. Mais elles sont là les garces, à charmer mon regard pour faire couler ma désolation sur mes lèvres gercées. Elles sont là et je ne peux plus rien contre elles.
J’ai les deux pieds dans le vide et la mer, elle s’en fout comme moi, je m’en fous d’elle d’ailleurs. Je ne l’ai choisi que pour m’oublier plus facilement au tragique de ses limbes. Je ne dis pas que je ne l’aime pas. Je la trouve tout simplement triste. Malgré cela, je ne peux m’empêcher de la trouver belle. Elle capture nos âmes dans le bleu de ses eaux et, tel un chant de sirène, nous glisse sur la peau l’émotion fragile en perles de sel. Chaque jour, elle nous offre un spectacle délicieux dans l’ondule de ses courbes gracieuses qu’elle dépose harmonieusement sur les plages de sable. Elle joue sa beauté dans l’œil du peintre ou dans celui du photographe et se fige chaque jour un peu plus dans son éternité… Mortelle. Mais tout ça n’est qu’un leurre. La mer ? Ce n’est que des milliards de larmes pleurées sur une terre qui s’étouffe sous nos pas. La mer, elle est seule. Désespérément seule. C’est sans doute pour ça qu’elle ravale aussitôt ses vagues, qui n’ont que le temps de nous frôler les pieds avant de disparaître à nouveau dans sa gueule. Peut-être aussi pour ça, qu’elle emprisonne l’âme de nos marins et qu’elle recrache leurs corps sur les rivages, parce qu’un corps finalement, ça ne sert à rien.
Son silence me fait peur. Bien plus que la mort en fait. Quelle connerie ! Mort, je n’aurais plus à me soucier de l’absence de ces bruits qui savaient occuper mes solitudes. Mort, je serais mort. Point.
Putain que je suis grotesque ! Même ma déprime se moque de moi.
Ça y est ! Il commence à pleuvoir. Quelques larmes de plus sur mon âme ravagée. Ça me fait chier quand même de mourir sous la pluie. J’aurais tellement souhaité un clin d’œil du soleil. Juste un. Pour me sentir vivant. Rien qu’une fois.

Je reprends ces mots, de toi, que je ne connais pas.
Je me promène souvent avec ma solitude sur les bords de ces falaises qui ressemblent à des géants de pierre. J’ai souvent la certitude qu’elles me parlent à travers les murmures du vent. J’aurais aimé te rencontrer le jour où tes pas t’on menés jusqu’ici. Juste pour te faire un clin d’œil.
Ce n’est que ce matin que le destin m’a rapproché de tes silences, lorsque, assise sur un tapis de bruyères, mes doigts se sont frôlés à cette boule de papier qui renfermait tes mots.
Tu pensais cette feuille emportée au loin, elle n’attendait que ma main.
Je ne sais pas si tu as été un oiseau le temps d’une chute ou si tu te promènes encore avec ta déprime sur les chemins d’écumes. J’ai lu les journaux de ces derniers jours et aucun ne mentionnent la découverte d’un corps. Mais peut-être que tu as fini par t’échouer dans ces silences qui t’effrayaient tant et qu’aujourd’hui, tu navigues apaisés dans les abysses profonds.
Je reprends tes mots pour te dire que tu n’étais pas seul, que tu ne l’avais jamais été. Qu’il suffisait d’ouvrir les yeux et de regarder. Te dire que grâce à toi, j’ouvre enfin les miens.
Je reprends tes mots pour te dire que je reviendrais chaque année sur ces falaises pour écouter la mer souffrir ses maux dans le vacarme de ses tempêtes. Que je lui offrirais, en mémoire de toi, un petit bouquet de marguerite qui flottera librement sur ses eaux.
Je ne suis pas ce rayon de soleil que tu as tant souhaité, je ne suis qu’une femme naufragée aux souffrances de tes mots.
Je suis celle qui se souviendra de toi… à jamais.

¤ Cat ¤ © 28/04/2016

lundi 25 avril 2016

Sur le vieux chemin en pierre s’endorment mes silences
Et sous le pas de l’Homme se fragilisent mes souffrances…
Chaque jour un peu plus

Même le ciel se chagrine de ton absence
Il pleure ses larmes d’innocence…
En pluie perdue

Alors je crie ce vide immense
Je le dégueule en rage intense
Mais vous ne m’écoutez déjà plus !

Les pierres sur le chemin ont froid de cette violence
Qui enfante chaque printemps cent mille condoléances
En bouches cousues

Même l’hiver frémit ma déchéance
En crachant ses flocons d’indifférences
Sur mon corps à moitié nu

Et j’ai si froid dans ton  regard qui me danse
La mort soudaine des souvenirs de ton enfance
Je suis vaincue…

¤ Cat ¤ 25/04/2016

vendredi 22 avril 2016

J'Haine

J’Haine
Et je vous autorise à me broyer le cerveau à coups d’électrochocs médiatiques.
Je vous autorise à m’injecter dans les veines vos réponses toutes faites pour faire taire mes doutes à jamais.
Je vous autorise à m’offrir en errance au milieu de ces milliers de morts-vivants qui polluent nos rues de leur répugnante misère.
Je vous autorise à me grignoter les viscères qui salivent vos bouches meurtrières et à jeter mes restes dans l’enclos des cochons au sourire carnivore.
Je vous autorise à me fusiller sur l’autel de vos dieux qui s’en foutent de nous.
J’Haine
Et je vous autorise à m’autopsier le crâne et à m’extirper mes pensées à grands coups de pied-de-biche. Les faire brûler vif sur le bûcher des idées perdues au milieu des cadavres maudits, de ceux qu’on appelait autrefois « les poètes ».
Je vous autorise à m’arracher mes silences pour les jeter en pâture à la foule qui crie ses tortures sur les marchés de la haine.
Je vous autorise à vomir mes entrailles sur les peuples orphelins qui crèvent de faim.
Je vous autorise à m’enfermer dans vos prisons pour un excès de vitesse de trop, pendant que, chaque jour, nos rues frissonnent sous les viols et sous les coups.
J’Haine
Et je vous autorise à devenir maître de ma maison, de mon jardin, de ma voiture et de mon chien. D’user mon libre-arbitre dans un cul-de-sac fataliste.
Je vous autorise à me cracher dans les caniveaux où tout le monde pisse sa rage et sa colère.
Je vous autorise à éduquer mes enfants dans l’analphabétisme d’un enseignement choisi et trié.
Je vous autorise à me greffer une ceinture de prières extraites du coran, de la bible, de la torah ou du Veda et d’appuyer sur le bouton qui la fera exploser au milieu d’une Sodome pécheresse.
J’Haine
Et je vous autorise à me crever les yeux de vos images publicitaires et me panser ensuite sous les bandages d’une consommation excessive et abusive.
Je vous autorise à m’attacher à un écran pour ne plus vivre mes rencontres. A me « pixéliser » la peau pour ne plus ressentir la main de l’autre me caresser. Je vous autorise à m’inonder le crâne de sites pervers, violents, destructeurs à m’en faire dégueuler mes larmes sur les touches d’un clavier. Je vous autorise à m’informatiser le cœur que vous pourrez gérer du haut de votre bureaucratie vomitive. A m’introduire de temps en temps l’un de vos nombreux virus pour garder le contrôle sur moi ou en me choquant d’une petite décharge d’amour, aux premiers signes de déprimes, pour m’insuffler un peu d’espoir et continuer de vous engraisser.
Je vous autorise à m’inoculer votre cancer pour me nourrir de tous vos placebos et vous faire jouir sous vos blouses blanches des guérisons qu’on ne croit plus.
J’Haine
Et je vous autorise à me lécher la peau pour vous abreuver des sueurs d’un travail que vous ne connaissez pas.
Je vous autorise à balancer mon corps au bout d’une corde pour animer vos têtes les soirs de grands festins.
Je vous autorise à m’enfoncer un entonnoir dans le gosier pour me gaver de vos malbouffes qui défèquent dans mon corps obésité, cholestérol et autre diabète.  
Je vous autorise à disséquer ma vie sur les réseaux sociaux… En attendant patiemment mon suicide.
Je vous autorise à vous nourrir de mes peurs quand, sur le trottoir d’en face, la délinquance vous lève un doigt d’honneur.
Je vous autorise à me lapider sur la place publique parce que je suis née femme dans un monde d’hommes.
Je vous autorise à tatouer vos insultes sur mon crâne rasé et à briser mes os à coups d’indifférences et de différences.
J’Haine
Et je vous autorise à répandre mes cendres dans un champ de blé comme engrais « biologique » pour nourrir mes enfants génétiquement modifiés.
Je vous autorise à me jeter sur l’échafaud à titre d’exemple et me guillotiner devant une France muette pendant que vous vous masturbez sous vos robes noires et déverser votre semence sur la foule asservie à votre si belle justice… Illusoire.
Je vous autorise à m’enfoncer un pieu dans le cœur pour m’empêcher d’aimer.
Je vous autorise à me piétiner mes rêves ridicules, encore et encore, sur le pas-de-porte de l’irréalisable, pour essuyer les vôtres et les rendre plus beaux.
Je vous autorise à me grimer de vos mensonges et à jeter aux loups le masque des vérités.
J’Haine
Et je vous autorise à me tailler le visage et le corps à coups de scalpels ou de botox pour me rapprocher au plus près de ce que vous appelez « perfection ».
Je vous autorise à me planter sur votre croix des tolérances intolérantes.
Je vous autorise à me coudre sur les pieds et sur les mains le fil de ma servitude et à m’offrir à vos enfants bourgeois pour qu’ils puissent jouer et rires de mon corps de pantin.
Je vous autorise à me bourrer de vos pilules et vous servir de cobaye. Des rouges, des bleus, des jaunes ou bien encore des blanches et me cicatriser de vos effets indésirables que je vomis dans les toilettes.
Je vous autorise à m’écraser sous le poids de mes dettes et de me suralimenter en impôts jusqu’à m’en étouffer.
Je vous autorise à contrôler mon corps et à le modifier pour que de mon ventre ne naissent plus que des enfants qui ne savent plus penser.
J’Haine
Et je vous autorise à profiter de mon humanité pour vous mettre dans vos poches les quelques pièces économisées et envoyées en dons dans ces pays où gangrène la pauvreté. Je vous autorise à les regarder mourir pendant que vous trinquez de mille bulles devant la courbe en constante progression de vos actions en bourse.
Je vous autorise à m’empiffrer de l’excellente bouillie de vos lois si justes et de vos écrits narcissiques pour me faire dégueuler les milliers de livres stupides de ces grands écrivains qui dorment aujourd’hui dans nos plus vieux cimetières.
Je vous autorise à me fumer.
Je vous autorise à broyer mon cadavre au milieu des ordures que vous laissez fleurir sur une terre trop belle. A me voler mon oxygène et celle des forêts pour le stocker dans vos abris anti-nucléaire.
Je vous autorise à me matraquer et à me balancer vos gaz lacrymogènes dans la gueule quand j’ai l’audace de l’ouvrir dans les manifestations pour les droits de l’Homme.
Je vous autorise à me juger, me condamner… Me suicider.
Je vous autorise…
Je vous autorise.

¤ Cat ¤ 22/04/2016

mercredi 6 avril 2016

Minustisme

(Quand les minutes se taisent)

Je l’attendais dans la voiture…
Dehors, la nuit dansait déjà sa lune dans l’ombre d’un murmure,
Les arbres chatouillaient l’hiver dans sa profonde blessure
Et les étoiles griffaient le ciel du chant de ces lumières
Qui se devinent dans les pensées quand s’ouvre le livre de nos prières.

Je l’attendais là, sans bouger…
Le vent sifflait sur la campagne comme l’oiseau savait chanter l’été,
Et je sentais derrière la vitre brisée son souffle court m’effleurer,
Un pâle baiser discret sur le creux de ma joue bleuie,
Par ces tempêtes d’absences qui ont rythmé ma mélodie de vie.

Je l’attendais, mais elle ne venait pas…
La fine pluie glissait ses gouttes et ses tristesses de ci, de là,
Blessant la route de ses larmes qui s’écrasaient à chaque pas,
Je l’attendais et les secondes semblaient ailleurs,
Miraculées d’éternité quand on voudrait seulement qu’elles meurent.

Je l’attendais et j’avais froid…
Ma peau suait de ce silence comme le loup bavait sa faim devant sa proie,
A fleur de maux, je piétinais cette solitude qu’on ne criait que sur sa croix,
Mais sur mes lèvres se sont gercé tous les sanglots en demi-mots,
Et j’ai compris qu’elle approchait me souriant sous ses yeux clos.

Je l’attendais dans la voiture, je gémissais…
Le métal gris de la carcasse en douleur froide me transperçait,
Mon chemisier pleurait ce rouge que les sangsues crachaient en plaies,
Je l’attendais pour m’effacer enfin de cette souffrance,
Quand le hibou dans la forêt creva le ciel de mon silence.

¤ Cat ¤ ©  06/04/2016