Sur
le sol frémissant des premières pluies d’automnes, les feuilles silencieuses
s’endorment déjà dans une mort qui ne leur appartient pas.
Les pas vagabonds de
Félix frôlent ce parterre rouge et or, laissant une trace boueuse dans cette
fragilité automnale. Le chemin tâché des brumes matinales parfume la terre aux
nouvelles saisons et promet la quiétude aux trop rares promeneurs. Un pâle
rayon de soleil se dessine entre les branches des arbres qui pleurent leur
soudaine nudité, et le vent en froide caresse leur souffle ses baisers, là, où
hier encore, l’oiseau aimait faire son nid. Félix, spectateur d’un jour, nourrit
son regard du silence des forêts et respire la fraîcheur des mousses sur la
pierre. Il ne sait pas vraiment où il va, mais il sait ces endroits
merveilleux. Et c’est sans un bruit, qu’il s’adosse contre le tronc d’un grand chêne à l’écorce vieillie aux ravages
du temps. Il n’entend déjà plus la chanson des voitures valsant sur le goudron
humide de la nationale pourtant si proche.
Félix est loin. Loin dans ses
souvenirs. De ceux qu’on n’oublie pas. De ceux qu’on n’oublie jamais. Parce
qu’ils sont cette étincelle d’espoir qui ranime la flamme de vie dans nos âmes
bercées aux ténèbres trop sombres. Il retrouve ses années de Fac, où, étudiant
parmi les étudiants, il rêvait déjà de liberté. Il retrouve surtout Julie. Ses
grands yeux verts, trésor d’émeraude qui enfermait n’importe quel aventurier de
l’amour, dans sa prison de verre. La douceur de sa peau au parfum de vanille de
ces îles qui « vagabondent » de sable chaud dans les pensées d’océan.
Son sourire lumineux aux éclats de toujours… Et la tendresse de ses baisers. Le
goût sucré de ses lèvres sur les siennes, comme un nectar de rose sur les ailes
d’un papillon. Il retrouve aussi ces heures féeriques, que son envie
d’ailleurs, a oublié de vivre. Des minutes gâchées à rêver la bohème, des
secondes perdues aux tréfonds d’un passé. L’intensité de ce bel amour n’avait
pas suffit à Félix pour brûler avec lui, et c’est dans sa promesse d’un retour
qu’il s’était envoler, tel l’oiseau des légendes, vers ces lieux inconnus, qu’on
ne sait que rêver. Les grands yeux de Julie, blessés aux larmes d’adieu, lui
promettait de l’attendre à jamais sur le bord du chemin. Il croyait l’avoir
laissée là, au milieu de ses mille pensées, mais, au plus profond de lui, il
savait qu’il l’avait tout simplement abandonnée dans sa solitude éternelle. Il savait
qu’il n’était qu’un bateau quittant à jamais son port d’ancrage pour mouiller
sa coque vers d’autres rivages. Il s’était échoué si loin d’elle et pourtant ne
l’avait jamais oublié. Chaque semaine, ils s’écrivaient de tendres lettres où
il lui racontait ses voyages et ses rencontres, où elle lui disait qu’elle l’aimait
et qu’elle espérait toujours le retour de son bohémien aux pieds nus qui vivait
les sourires au bord d’un grand feu.
Une
brise légère comme un frisson sur sa peau le ramène déjà à la réalité. L’une
des dernières feuilles du grand chêne se laisse tomber sur le bout de papier
froissé qu’il tient entre les mains. Avec délicatesse, Félix l’écarte des
derniers mots de Julie qu’elle cachait sous sa robe marron. Des mots fragiles.
Des mots d’adieu. Un cancer qu’elle taisait dans ses lettres précédentes pour,
disait-elle, ne pas l’obliger à revenir. Un cancer qui avait su attendre un tout
dernier « je t’aime » pour lui voler alors son ultime souffle de vie.
De
nouveau, ses longs cheveux bruns lui caressent le visage quand sa bouche féline
l’embrasse fiévreusement. De nouveau, il respire son parfum de peau, comme une
tendresse à jamais déposée dans le fond de son cœur. De nouveau… Son sourire.
Un sourire qu’à présent, il ne sait plus voir, à travers les larmes qui se
noient dans ses yeux.
Il
lui avait promis de revenir un jour auprès d’elle. Aujourd’hui, il tiendra sa
promesse…
Sur
le sol frémissant des premières pluies d’automnes, Félix, silencieux, s’endort
déjà dans une mort qui ne lui appartient plus.
¤ Cat ¤ 04/01/2016
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