Il rêvait, le fou, qu’elle reviendrait pour un
baiser. Il en rêvait dans chaque pas qui lui traînait sa vieille carcasse sur
le chemin douloureux d’un avenir sans elle. Il en rêvait lorsque ses nuits l’abandonnaient, cruelles, sur les pavés des
insomnies en bout de rue trop sombres. Quand le profond de son sommeil se
réveillait dans les sueurs des narcotiques anesthésiants, il se sentait happé
aux langues voraces des cauchemars qui vomissaient sur les draps blancs, le
flou reflet de son aimé. Il se vivait, ombre chimérique, dans ces espoirs, en
bout de couloir, à l’apparence trompeuse des infidèles qu’on voudrait croire. Vaincu
par sa solitude, le pauvre fou, jetait les armes des souvenirs sur le champ de
bataille de son cerveau à moitié dérangé par les nécroses du manque d’elle.
Il rêvait, le fou, qu’elle reviendrait pour son
baiser. Baiser tendresse à fleur de larmes sur la peau nue des roses lèvres.
Baiser caresse qui n’effleurait que la pureté de son regard voilé aux eaux
troublées d’un triste adieu. Il en rêvait quand l’aujourd’hui frôlait l’hier dans
un fantasme de demain. Quand ses demain seront figés au souvenir de son parfum.
Il rêvait, le fou, et les débris de sa mémoire, creusaient la tombe de son
sourire. Et quand la peur de l’oublier ensemençait son corps usé, il s’injectait
en bout d’aiguille, les cocaïnes des survivances. En bout de veine. Jusqu’à
pleurer. Jusqu’à crier.
Il rêvait, dans sa névrose obsessionnelle,
qu’elle se battrait pour ce baiser. Il la rêvait figure de proue, bravant les océans
violent de son pauvre destin pour s’échouer au port de ses bras. En bout de
bouche. En bout d’effleure. Frêle sirène au corps rongé par les sels carnivores
des eaux pleurées et dévorée par les mâchoires puissantes des vagues tumorales.
Il la rêvait, dans la violence des coups - sa belle furie - combattre les
tempêtes, se défier aux bourrasques des enfers, morguer la Mort… Il la rêvait,
là, faisant face à sa fin, toujours en avançant, en avançant pour se claquer à
son dernier baiser.
Il rêvait, le fou, qu’elle reviendrait pour ce
baiser. Cette douce empreinte qu’il n’avait pas eu le temps de lui laisser.
Perdu au cloître de son délire psychotique, il était fou de n’être que fou
parmi les fous. Et quand son âme à l’abandon prenait la route de son exil, il
s’insufflait, en bout de verres, le venin chaud des vieux cognacs.
Il la rêvait le fou, pendu à son sourire de fou.
Et il souriait le fou. Parce qu’il l’avait aimé. Parce qu’il la ressentait. Le jour.
La nuit. Elle était là, divine hallucination, dans le reflet de son regard noyé
dans le miroir des larmes. Elle était là, fantasme lumineux dans l’obscur de son
cerveau malade. Elle était là…
Et quand cette présence semblait rejoindre les cieux,
il mutilait son corps aux diverses blessures, comme pour se survivre à l’illusion
de son pauvre réel, qu’il avait bien planqué au fond des thébaïdes cérébrales. Quelques coups de rasoirs
pour ranimer les souvenirs, coups de poing et morsures, comme l’étrange offrande
à l’éclatante Mnémosyne.
Il rêvait, le fou… Qu’elle reviendrait pour son
dernier baiser…
¤ Cat ¤ 25/05/2015
Il rêvait le fou... Mais sans rêve, il ne lui reste qu'à mourir...
RépondreSupprimerUn grand merci Jean-Marie pour ton passage par ici et surtout pour avoir pris la peine de commenter... Et quel commentaire !!! Que du plaisir... Merci, merci, merci. Miaouuuu...
SupprimerLes fous rêvent toujours, névrose en nécrose, l'essentiel reste d'espérer.
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