Petit chat joueur de mots, je pelote mes poésies de caresses câlines et je griffe parfois pour défendre les maux. J'écris le "je", le "nous", le "vous" et je ronronne souvent sous l'effleure de ma plume. J'invente, je tente... Juste pour le plaisir.

Fines moustaches et libres pensées... Je guette la rime et vous partage mon petit coup de patte.

Je ne suis pas un écrivain... Je suis le chat "couseur de mots" et vous êtes... mes petites souris inspiratrices.

mardi 16 juin 2015

Et l'épinette murmure une légende...


Le soleil close paupières et, lentement, s’efface aux terres qui s’endorment des silences de nuit. L’horizon, lui, semble avalé l’astre rougeoyant avant de recracher une lune resplendissante dans un ciel d’été aux mille étoiles lumineuses. Ce spectacle quotidien et pourtant unique, se miroir chaque soir dans le regard saphir de Gaïa. Au cœur de ses croyances lointaines, elle ressent parfois, les voltiges gracieuses et rieuses, de l’âme de ses ancêtres dans l’azur mélodieux. Et c’est dans ces instants de pure magie qu’elle rêve, sur sa peau, le souffle de reconnaissance des mânes d’un temps passé. Frisson d’espoir qui ne demeure hélas, qu’un noble fantasme dans son esprit vagabond.

Gaïa, fragile au crépuscule de sa vie, se sait bientôt étoile parmi les étoiles. L’œil céleste qui veillera à jamais sur sa nombreuse descendance. Ses aînés, eux, l’ont déjà oubliée depuis longtemps.

La douceur de la nuit dévore alors furtivement l’immense taïga qui s’étend par-delà l’infini. Gaïa ne bouge pas. Sa mémoire traverse le temps et se pose fleurie sur les terres anciennes où vivaient ses aïeux. Nostalgie d’un passé insouciant, qu’un présent lumineux transforme aujourd’hui en étincelles de souvenirs…

… Souvenance des mousses légères qui flirtent sous leur pas agacés joyeusement au jeu des bousculades. Et d’un vent qui les pousse, parfois brusquement, dans des courses effrénées, qu’elle gagne à chaque fois.
Mémoire des baies délicieuses qui tâchent les bouches gourmandes et des papillons colorés en effleure caresses que l’été boréal a germé sous ses vents.
Souvenir des déchirures à l’appel de la vie, quand son besoin d’exister l’expulse de son enfance, l’oppose au monde adulte…
Larmes de souvenirs quand, bannit de son peuple, elle embrasse solitude.

Impossible pour les autres qu’elle résiste aux morsures de l’hiver, aux mortels dangers d’une flore carnassière. Insensé de penser qu’au voyage de sa vie, elle survive sans un « il », courageux protecteur, désigné par les Dieux, pour combler ses faiblesses.

Elle est l’ombre dans le froid qui brave les tempêtes. Meurtrissures, gerçures, déchirures. Elle est corps miséreux dévorée par la faim. Squelettique, famélique. Elle est parfois l’abandon quand la rage n’est plus. Mais elle est aussi cette force, cette envie de vivre, ce désir de semer d’autres valeurs dans le regard des autres. De voir germiner sous les poussières de son corps, les épilobes du renouveau, du changement.

Et sa rencontre avec lui. Celui que ses frères nomment l’ennemi, le prédateur. Cet échange silencieux entre eux. Ces mots qui ne sont pas prononcés, mais qui frissonnent chaque bout de peau. L’intensité dans les regards. Le respect.
Cette main qui s’approche. Lentement. Et Gaïa qui recule d’un pas, méfiante. Le temps suspendu à son éternité s’éclate sur la toile de cet étrange échange. Quelques coups de pinceaux trempés dans l’harmonie d’un geste. Les couleurs pigmentées du sourire de cet homme ont reflets de confiance dans le cœur de Gaïa. De nouveau, il s’approche. Geste osé d’une main qui caresse sa tête, reposée simplement sur le torse parfumé aux sueurs salées d’une fin de journée.
La naissance d'une amitié profonde dans ce déclin glacial, à jamais immortalisée comme une empreinte de tendresse fossilisée entre deux blocs de glace. Une amitié libre où chacun respire de son côté, chasse, dort. Le partage d'un repas, et, d'une couche de temps en temps. Le partage d'un regard, d'un réconfort, d'une confiance.

Gaïa, s'envole dans sa liberté, dévore les chaînes à ses pieds. Elle se veut libre de penser, libre de rêver, libre de choisir celui qui l'accompagne dans sa vie.
Et c'est Darcius, jeune solitaire, exilé pour vivre l'aventure, l'insouciance, les petits plaisirs et les grandes sensations de vie. C'est Darcius qui, au hasard d'une rencontre tumultueuse, devient son équilibre, son âme sœur.
Ensembles, ils s'inventent un nouveau monde. Un monde d'égalité, de liberté. Ensembles, ils donnent naissance au clan. Sans Béta, sans Oméga et surtout sans Alpha. Ensembles… Ils sont un.

Gaïa sur son rocher chuchote les années sur son vieux corps usé. Là haut, dans le ciel hivernal, une aurore boréale, comme un dernier clin d'oeil à son courage. Là haut… Le silence l'attend.
Ce soir, elle va rejoindre l'homme pour un dernier regard, une dernière tendresse. Ce soir, elle caressera le clan de son souffle bienveillant avant de s'en aller. Ce soir…

Le silence dévore la nuit, la plaine s'est endormie.
Le vent, dans les branches buissonnantes des épinettes, murmure que cette nuit là, il emporta dans son écho, le dernier hurlement de Gaïa, la louve libre.
 
Cat - 16/06/2015

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