On se croirait dimanche avec ce bruit de
cloches qui hurle dans nos têtes. Et dehors, le silence s’est pavé de la rue
pour se fuir dans nos pas. Le rêve a explosé sous la ville en colère, les
terrasses ont pleuré le vide sur nos pensées. Plus rien ne bouge. L’oiseau ne
chante plus, le vent a disparu. On ne parle plus de guerres, on ne parle plus
de haine, on se tait de l’amour. On traîne nos souliers, comme on traîne un
boulet, a force de cheville qu’on ne cesse de briser. Certains marchent pieds
nus pour oublier la mer, qui meurt jour après jour noyée sous les cadavres. Le
sablier du temps s’écoule dans nos veines, comme un mauvais poison qui tue les
sentiments.
On se croirait dimanche avec ce bruit de
cloches qui résonnent dans nos rues. Les prisons ont craché ce que l’on ne veut
plus, et on reste là, à regarder mourir nos enfants devant leurs écrans noirs salis
de nos naufrages. L’hiver ne viendra plus, les arbres l’ont figé sous la glace
d’un demain que l’on ne verra pas. Et j’ai croisé le regard d’un requin en
chemise, j’ai lu son sourire dans sa faim de profit. Et j’ai su. J’ai su que sa
cravate d’aujourd’hui, serait sa corde de demain. Il se balancera, au milieu de
centaine d’autres, dans la cour des écoles désertées du savoir. Les pantins
pathétiques à moitié dévoré par les flammes gigantesques du brasier de nos
livres. Et, danseront sur les murs, en valse comique, l’ombre de nos
désillusions, tourbillon désolé.
On se croirait dimanche, les corbeaux déguisés
s’apprêtent au festin dans nos églises fermées. Ils ont tué leur Dieu et vomit
sur nos tombes, les restes d’un enfant planté sur une croix. L’oiseau de cendre,
grimé en charognard, dévore nos pupilles sur l’autel bombardé. Et nous voici
plongés, dans cette obscurité qu’on nomme indifférence et qu’on voudrait cracher
dans un confessionnal pour le dernier pardon. Et j’ai vu tous les anges qui s’arrachaient
leurs ailes parce que depuis longtemps, ils ne croient plus en nous. Je les ai
vu mourir sous les ruines de notre foi, lâchement ensevelis contre un baiser du
Diable.
On se croirait dimanche, mais il n’y a plus de
messes. Les curés sont partis en colonie de vacances pour apprendre aux enfants
quelques jeux trop vicieux. Et la bible souillée du liquide des jouissances se sait
abandonnée sous la soutane incestueuse. Les cloches crient la sentence, mais l’Homme
n’en veut pas. Elles coupent alors la corde du pendu défroqué et tintent dans
nos cerveaux pour nous chanter la culpabilité.
On se croirait dimanche, la famille réunis à la
table du Roi, s’empiffre de la dinde fourrée de ces coutumes, qu’à force d’habitudes,
on ne connaît même plus. Et certains se dégueulent des discours politiques, que
les chiens vagabonds ramassent à coups de langues, heureux de cette pitance qui
les fera crever. On se croirait dimanche, les poubelles sont pleines des restes
indigestes qu’on promet aux plus pauvres pour qu’ils se taisent et qu’ils meurent
sans bruits. Et devant nos yeux gris, les enfants faméliques de ces terres
lointaines, divertissent nos larmes qu’on essuie bien trop vite parce qu’un bout
de la crise viens frapper à nos portes. Et lentement, le vin s’écoule dans nos
gorges pour nous faire oublier les sécheresses des rivières et les pluies
disparues.
J’ai vue la Terre mourir, étouffée sous nos milliards
de déchets. Je l’ai vu disparaître dans un souffle de cellophane sous les fumées noires d'un tragique goudron, et personne n’était
là pour le dernier adieu. Personne.
On se croirait dimanche, un dimanche comme les
autres, et les cloches se sont tues.
¤ Cat ¤ 24/11/2015
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